Tout enfant ou jeune rêve peut-être un jour de devenir un joueur de football célèbre, mais atteindre ce statut ne repose pas seulement sur des souhaits ; cela demande également du talent. L’histoire du football est riche de talents innombrables et de légendes qui ont considérablement contribué au jeu avec leurs compétences, leurs buts et leurs exploits sur le terrain. Mais que se passerait-il si un joueur de football parvenait à devenir célèbre sans jamais marquer un but ou même toucher le ballon correctement ? Voici Carlos Kaiser, un footballeur brésilien dont la carrière a duré 26 ans, durant lesquels il n’a absolument rien apporté au jeu.
Carlos Henrique Raposo, plus connu sous le nom de Carlos Kaiser, est né en avril 1963 au Brésil. Comme beaucoup dans son pays, il aspirait à réussir brillamment dans le football, un sport chéri par les foules brésiliennes. Il a adopté le surnom de « Kaiser », soi-disant en hommage à la légende du football allemand Franz Beckenbauer, surnommé « Le Kaiser ». Cependant, certains de ses amis suggèrent qu’il a en fait reçu ce surnom en raison de son goût pour une marque de bière populaire. Quelle que soit l’origine de son surnom, Kaiser a commencé sa carrière dans les équipes de jeunes de Botafogo puis de Flamengo, deux grands clubs brésiliens.
Il n’a pas fallu longtemps pour que ses entraîneurs se rendent compte que Kaiser possédait une excellente condition physique mais manquait des compétences de base en football. Ses coéquipiers se moquaient souvent de lui pour son manque de technique. Malgré cela, Kaiser a réussi à décrocher son premier contrat professionnel avec le club mexicain Puebla après les avoir impressionnés lors d’une séance d’entraînement axée uniquement sur la condition physique. Fait remarquable, durant les trois mois passés au club, il n’a joué aucun match. Cette expérience lui a toutefois donné la confiance nécessaire pour entreprendre un long périple dans le monde du football, bien que par la tromperie.
De retour au Brésil, Kaiser a utilisé sa vie nocturne à Rio de Janeiro pour se constituer un réseau de contacts influents, incluant des joueurs de football professionnels comme Carlos Alberto Torres, Ricardo Rocha et Renato Gaúcho. Ces relations l’ont aidé à obtenir des recommandations chaque fois qu’il tentait de rejoindre un nouveau club. De plus, ses amitiés avec des journalistes sportifs lui ont permis de fabriquer des histoires sur sa carrière et ses compétences, notamment sur son séjour au Mexique. Certains rapports affirmaient même à tort qu’il avait été proposé de lui accorder la citoyenneté mexicaine pour jouer dans leur équipe nationale.
Grâce à cette réputation fabriquée, Kaiser a réussi à signer des contrats d’essai à court terme avec divers clubs. Une fois signé, il prétendait souvent être en mauvaise forme en raison d’une blessure aux ischio-jambiers, ce qui l’empêchait de jouer des matchs. Cette excuse lui permettait de participer uniquement aux séances d’entraînement physique pendant des semaines, sous prétexte qu’il se remettait. Comme les IRM n’étaient pas couramment disponibles à l’époque, sa blessure alléguée était difficile à réfuter. Une fois son contrat à court terme, généralement de trois mois, expiré, Kaiser passait à un autre club et répétait le processus, simulant des appels téléphoniques dans des langues étrangères pour augmenter sa valeur perçue.
Les tactiques frauduleuses de Kaiser ne se limitaient pas au Brésil et au Mexique. Il aurait rejoint le club de deuxième division française Gazélec Ajaccio en 1986, où il a joué pour un ami également au club. Pour éviter de révéler son manque de compétence, Kaiser aurait tiré des ballons dans les gradins et embrassé l’écusson du club lors d’une séance d’entraînement publique organisée pour le présenter aux supporters. Il est ensuite retourné au Brésil l’année suivante, ses amis journalistes rédigeant des rapports élogieux sur ses prétendues prouesses européennes. Ils ont même faussement affirmé qu’il était le meilleur buteur de Gazélec Ajaccio sur huit saisons.
De retour au Brésil, Kaiser a signé avec Bangu, où il a de nouveau utilisé son stratagème de fausse blessure. Cependant, le président du club, Castor de Andrade, a fini par se lasser de le voir seulement à l’entraînement et a insisté pour qu’il joue lors d’un match. Pendant le jeu, alors que Kaiser s’échauffait sur la ligne de touche, il a remarqué que des supporters insultaient les joueurs. Il a immédiatement commencé à se battre avec eux, récoltant un carton rouge sans même entrer sur le terrain. Confronté par le président, Kaiser a prétendu que les supporters l’avaient insulté en le traitant de voleur. Le président a cru son histoire et a prolongé son contrat de six mois supplémentaires.
Kaiser a ensuite eu des passages dans d’autres clubs, y compris Fluminense et Vasco da Gama, où il a continué son charabia, prétendant aider un coéquipier à surmonter un problème de boisson parce qu’il ne buvait pas lui-même. La carrière frauduleuse de Kaiser et la renommée qu’il a acquise pour ses pitreries ont finalement attiré l’attention d’une société de production britannique. En 2015, ils l’ont interviewé sur sa vie dans le football, ce qui est devenu plus tard le documentaire « Kaiser : Le plus grand footballeur qui n’a jamais joué au football », présenté en première au Festival du film de Tribeca en 2018. Le film comprenait des interviews de légendes du football brésilien comme Carlos Alberto Torres, Zico, Renato Gaúcho, Bebeto, Júnior et Ricardo Rocha.
L’histoire de Carlos Kaiser pourrait mettre en lumière la manière dont certains joueurs sans talent parviennent à décrocher des contrats avec des clubs, souvent pour des sommes considérables, sans jamais vraiment jouer le jeu. Son récit suggère que le football, un sport connu pour ses compétences et son talent, peut parfois prendre un détour inattendu dans le domaine de la fraude.