La Guerre Froide entre les États-Unis et l’Union Soviétique (aujourd’hui la Russie) ne s’est pas limitée à une rivalité sur Terre ; elle s’est étendue dans l’espace. Les deux superpuissances étaient engagées dans une course effrénée, chacune cherchant à atteindre la Lune en premier. Au début de l’ère spatiale, les réalisations soviétiques étaient remarquablement supérieures, laissant les Américains frustrés. En réponse, les responsables américains ont cherché tous les moyens—même les plus spectaculaires—pour prouver qu’ils étaient encore dans la course. Cela a conduit à la création d’un plan audacieux et controversé connu sous le nom de Projet A119. Le projet visait à faire exploser une arme nucléaire thermonucléaire sur la Lune, espérant que cette explosion serait visible de la Terre et enverrait un message clair que l’Amérique était toujours une force formidable, capable d’atteindre la Lune, même si ce n’était pas par des moyens scientifiques mais militaires.
L’histoire du Projet A119 commence dans les années immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Le Dr Leonard Reiffel était heureux de travailler aux côtés du légendaire physicien Enrico Fermi à l’Institut des Études Nucléaires de l’Université de Chicago. Cependant, en 1949, il a eu l’opportunité de superviser la recherche avancée en physique dans un autre établissement de la même ville, l’Institut de Recherche ARF (aujourd’hui connu sous le nom d’Institut de Technologie de l’Illinois). En 1962, Reiffel et ses collègues se concentraient sur l’étude des impacts environnementaux globaux des explosions nucléaires. Cependant, avant mai 1958, l’US Air Force a chargé cette équipe d’une mission inhabituelle : conceptualiser les effets d’une explosion nucléaire hypothétique sur la Lune. L’objectif était de surprendre les Soviétiques et le monde en transformant la Lune en un spectacle de destruction flamboyante.
Conscient de ne pas avoir l’expertise nécessaire pour une telle étude, le Dr Reiffel a fait appel à des scientifiques supplémentaires, dont Gerard Kuiper, un physicien planétaire connu pour son travail sur la ceinture de Kuiper, une région au-delà de Neptune remplie de corps glacés et de comètes. Pour compléter l’équipe, Kuiper a suggéré d’inviter un jeune étudiant diplômé de l’Université de Chicago nommé Carl Sagan. Sagan, qui gagnera plus tard une renommée en tant que communicateur scientifique avec son célèbre programme télévisé « Cosmos », était chargé de la modélisation mathématique du nuage de poussière résultant de l’explosion nucléaire sur la Lune. Il était crucial de comprendre la réaction de la Lune pour déterminer si l’explosion serait visible depuis la Terre, car l’objectif principal du projet était de maximiser la visibilité.
Le Projet A119 soulevait deux questions importantes : Pourquoi des scientifiques respectables accepteraient-ils un projet impliquant une explosion nucléaire sur la Lune ? Et les États-Unis auraient-ils la capacité de livrer la bombe et d’évaluer avec précision l’impact de l’explosion sur la surface lunaire ? Pour répondre à la première question, il faut se replacer dans le contexte de la fin des années 1950 et du début des années 1960, où la science était étroitement liée à la politique de la Guerre Froide. Bien que l’ère de la chasse aux communistes de McCarthy soit terminée, les scientifiques se souvenaient clairement de l’humiliation publique infligée à Robert Oppenheimer, le développeur de la bombe atomique, pour avoir opposé la création de la bombe à hydrogène plus puissante. La peur n’était pas le seul moteur ; de nombreux scientifiques étaient animés par un patriotisme profond et un sens du devoir envers leur pays, tandis que d’autres étaient des réfugiés de guerre ayant échappé à la tyrannie et voyaient leur travail comme une partie d’une lutte plus large pour le monde libre.
Au-delà des considérations éthiques, de nombreux participants au Projet A119 ont vu un potentiel pour des découvertes scientifiques importantes. Carl Sagan, qui a consacré sa vie à la recherche de preuves de vie extraterrestre, voyait dans le projet une opportunité d’étudier les micro-organismes ou les molécules organiques sur la Lune, en plus de la poussière lunaire. D’autres scientifiques anticipaient que le projet pourrait fournir des informations sur la chimie lunaire et la conductivité thermique. Il y avait aussi la curiosité de savoir si l’explosion nucléaire pourrait générer une activité sismique suffisante pour évaluer la structure interne de la Lune.
En ce qui concerne la livraison de la bombe nucléaire à la Lune, il était clair que les États-Unis disposaient d’une technologie précoce de missiles balistiques. Reiffel a révélé plus tard qu’ils pouvaient cibler la Lune avec une précision de quelques miles seulement—un exploit considérable compte tenu de la distance de 384 400 kilomètres entre la Terre et la Lune. Quant à la formation du nuage de champignon d’une explosion nucléaire, le plan était de faire exploser la bombe sur le côté obscur de la Lune, où la lumière du soleil dessinerait une silhouette du nuage de champignon. Cependant, des études approfondies ont révélé des résultats décevants. L’absence d’atmosphère sur la Lune signifiait qu’il n’y aurait aucune résistance à l’expansion de la poussière et des débris, entraînant l’absence de nuage de champignon visible, de son ou d’onde de choc—juste une grande quantité de poussière. Néanmoins, l’explosion pourrait encore créer un affichage visuel frappant ou effrayant, similaire à un lever de soleil à travers les débris.
Malgré les efforts investis dans le Projet A119, il a finalement été annulé pour des raisons peu claires. Les spéculations actuelles provenant de diverses sources informées suggèrent que l’US Air Force a peut-être annulé le programme en raison des risques potentiels pour la population terrestre si la mission échouait catastrophiquement, semblable aux premières tentatives spatiales américaines. D’autres estiment que les scientifiques étaient préoccupés par la contamination de la Lune par des matériaux radioactifs, ce qui pourrait entraver les futures missions habitées ou la colonisation. Une autre possibilité est que l’annulation soit due à la crainte d’une réaction publique négative, perçue comme une défiguration de la beauté de la Lune plutôt qu’une démonstration de l’ingéniosité scientifique américaine, bien que cela soit moins probable étant donné les priorités de l’US Air Force.