Si vous décidez un jour de visiter l’Uttar Pradesh en Inde, il est important de connaître non seulement les lois locales mais aussi un groupe de femmes unique en son genre, connu sous le nom de « Gulabi Gang ». Vêtues de saris roses éclatants et armées de bâtons, ces femmes se sont donné pour mission de défendre les droits des femmes, de faire respecter la justice et d’intimider tout contrevenant potentiel. La Gulabi Gang ne se contente pas de confronter ceux qui maltraitent les femmes, elle protège également les plus vulnérables contre les abus, lutte contre la corruption, assure les droits fondamentaux des pauvres dans les zones rurales et combat les problèmes profondément enracinés dans la société tels que le mariage des enfants et la violence domestique.
Le siège non officiel de la Gulabi Gang se trouve dans la ville de Badausa, dans le district de Banda, en Uttar Pradesh, une région tristement célèbre pour les cas de violences sexuelles contre les femmes. Les statistiques indiquent que ce district se classe parmi les plus dangereux au monde pour les femmes, avec plus de 3 000 cas de viols et près de 16 000 enlèvements signalés chaque année. En outre, le taux d’alphabétisation des femmes est alarmant, à seulement 47 %, et des traditions néfastes comme le mariage des enfants et la violence domestique sont courantes. La Gulabi Gang est née de ces dures réalités et de l’inaction perçue de la police. Tout a commencé en 2006, lorsqu’une femme locale, Sampat Pal Devi, a été témoin d’un homme battant sa femme. Elle est intervenue et lui a demandé d’arrêter, mais il a refusé et l’a insultée. Le lendemain, Sampat est revenue avec cinq autres femmes, et ensemble, elles ont battu l’homme. Cet incident s’est rapidement propagé, et de plus en plus de femmes ont commencé à se rapprocher de Sampat, cherchant une intervention similaire.
À mesure que leur nombre augmentait, leur besoin d’organisation augmentait également. La Gulabi Gang a décidé de formaliser leur groupe, ouvrant l’adhésion aux femmes âgées de 18 à 60 ans et adoptant le sari rose comme uniforme, symbolisant la féminité et la solidarité. Aujourd’hui, le groupe compte entre 270 000 et 400 000 membres répartis dans de nombreux avant-postes dans le district. Chaque avant-poste est dirigé par une leader locale chargée de gérer les activités quotidiennes et de résoudre les problèmes mineurs dans sa région. Les problèmes importants sont signalés à la direction centrale du groupe. Fait intéressant, bien que la Gulabi Gang soit principalement une organisation féminine, elle permet aux hommes de la rejoindre et de participer à ses activités. Dans un cas notable, ils ont soutenu 7 000 agriculteurs lors de manifestations réclamant des compensations pour les récoltes ratées.
Au cours des 15 dernières années, la Gulabi Gang a activement combattu toutes les formes de violence contre les femmes. Ils ont réussi à empêcher de nombreux mariages d’enfants, organisé des mariages d’amour et assuré les droits fondamentaux des pauvres en distribuant de la nourriture, des grains et des pensions aux veuves qui ne peuvent pas se soutenir. Ils supervisent également des services communautaires, rassemblant les femmes pour leur apprendre l’autodéfense et atteindre l’autosuffisance économique. Ces dernières années, le groupe a même commencé à offrir des services de mariage pour réduire les coûts pour les mariées, y compris la confection de tenues de mariage, le traiteur, l’arrangement floral, et la fourniture de services de henné et de maquillage.
L’un des exemples les plus célèbres de l’engagement de la Gulabi Gang à défendre les droits des femmes par la force s’est produit en 2007. Un homme d’une caste supérieure a violé une femme pauvre, et en raison de son influence, il n’a pas été arrêté, malgré les protestations des villageois et des parents de la femme. Les autorités ont même emprisonné de nombreux manifestants. En réponse, la Gulabi Gang a accusé la police de collusion avec le violeur et a tenté de libérer les villageois emprisonnés tout en exigeant l’arrestation et la poursuite du violeur. Lorsqu’un policier a refusé de se conformer, le groupe a utilisé la force physique contre lui pour le contraindre à faire son devoir. Leurs tactiques impliquent souvent des confrontations physiques, et lorsque cela s’avère inefficace, ils ont recours à l’humiliation publique ou à l’organisation de manifestations et de sit-in. Cette approche a aidé de nombreuses victimes, comme une jeune fille de 17 ans nommée Shilu Nishad, qui a été violée en groupe puis détenue lorsqu’elle a tenté de signaler le crime au poste de police. La Gulabi Gang a organisé deux grandes manifestations devant le poste de police et la maison de l’un des violeurs, qui était membre de la législature. Leurs efforts ont permis de rendre justice à la jeune fille. Le groupe a également été actif dans la lutte contre la corruption, dénonçant des magasins de céréales gouvernementaux qui vendaient des aliments destinés aux villageois sur le marché noir, et forçant les responsables de l’électricité à rétablir l’électricité coupée pour extorquer des pots-de-vin aux habitants.
Bien que le gouvernement indien ait adopté en 2010 une loi permettant une plus grande participation politique des femmes en réservant 33 % des sièges parlementaires aux femmes, la Gulabi Gang continue son activisme de terrain. Ils croient à la justice immédiate et se méfient de la corruption potentielle parmi les femmes politiciennes. Le groupe préfère la justice communautaire à la collaboration avec le gouvernement ou les organisations officielles. Malgré quelques affrontements avec la police et le gouvernement, les autorités reconnaissent que les efforts de la Gulabi Gang aident à résoudre de nombreux problèmes et fournissent un soutien précieux à la communauté.
